jeudi 17 septembre 2015

Résolution du Parlement européen du 10 septembre 2015 sur l'Angola (2015/2839(RSP))

Jeudi, 10 septembre 2015


Le Parlement européen,

–  vu ses précédentes résolutions sur l'Angola,

–  vu la déclaration du porte-parole du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme du 12 mai 2015 concernant l'Angola,

–  vu la déclaration commune du 17 octobre 2014 qui a suivi la première réunion ministérielle Angola-Union européenne,

–  vu l'action conjointe pour le futur UE-Angola du 23 juillet 2012,

–  vu les lignes directrices de l'Union sur les défenseurs des droits de l'homme et sur la liberté d'expression,

–  vu les conclusions du Conseil de juin 2014 sur le 10e anniversaire des lignes directrices,

–  vu l'article 21 du traité sur l'Union européenne et le cadre stratégique de l'Union sur les droits de l'homme, dans lequel l'Union s'engage à "continuer à peser de tout son poids pour soutenir les défenseurs de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme à travers le monde",

–  vu l'accord de partenariat de Cotonou signé en juin 2000,

–  vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,

–  vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples,

–  vu l'article 135, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 4, de son règlement,

A.  considérant que, ces derniers mois, le gouvernement angolais a pris des mesures de plus en plus répressives contre toute contestation présumée de son autorité, ce qui constitue une violation des droits de l'homme inscrits dans la constitution angolaise; que la liberté d'association et de réunion continue d'être mise à mal en Angola et que l'on craint de plus en plus que l'armée et les services de renseignement soient devenus les forces motrices à l'origine de l'arrestation et des poursuites à l'encontre de défenseurs des droits de l'homme;

B.  considérant que, le 14 mars 2015, le défenseur des droits de l'homme José Marcos Mavungo a été arrêté sans mandat et que, le 28 août 2015, le procureur António Nito a demandé au tribunal de la province angolaise de Cabinda de le condamner à 12 ans de prison pour incitation à la rébellion, bien qu'aucune preuve qu'il ait commis un délit n'ait été présentée;

C.  considérant que l'avocat Arão Bula Tempo a été arrêté le même jour pour participation présumée à l'organisation de cette même action de protestation; qu'Arão Bula Tempo a par la suite été relâché le 13 mai 2015 dans l'attente de son procès pour sédition;

D.  considérant que, le 28 mai 2015, le journaliste et militant des droits de l'homme Rafael Marques a été condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis assortie d'une mesure probatoire de deux ans pour la publication en 2011 du livre intitulé "Les Diamants du Sang: Torture et Corruption en Angola", dans lequel il décrit plus de 100 meurtres et des centaines de cas de torture qui auraient été perpétrés par des soldats et des agents de sécurité dans les mines de diamants de la province de Lunda; que les plaintes déposées par Rafael Marques auprès du procureur général au sujet des violations des droits de l'homme dans la province de Lunda n'ont pas fait l'objet d'une enquête;

E.  considérant que 15 jeunes militants ont été arrêtés entre le 20 et le 24 juin 2015 à la suite d'une discussion politique privée; que le capitaine Zenóbio Lázaro Muhondo Zumba a par la suite été arrêté le 30 juin 2015 en raison de liens présumés avec les 15 militants arrêtés;

F.  considérant que toutes les personnes détenues ont été arrêtées illégalement et de façon arbitraire et accusées de préparer une rébellion et une tentative de coup d'État contre le président et d'autres membres du gouvernement;

G.  considérant que les 15 militants emprisonnés se trouvent en détention provisoire, n'ont pas été formellement inculpés, n'ont pas pleinement accès aux conseils d'un avocat, ne peuvent pas recevoir de visites de membres de leur famille cherchant à leur apporter de la nourriture et sont détenus en cellule d'isolement;

H.  considérant que les militants ont été arrêtés et que leurs domiciles ont été perquisitionnés sans qu'aucun mandat n'ait été présenté par les autorités; qu'il a été signalé qu'ils étaient soumis à des actes de torture physique et psychologique et recevaient des menaces de mort;

I.  considérant que les autorités menacent les mères des jeunes détenus qui se mobilisent et que le parti au pouvoir, le MPLA, a empêché les manifestations organisées par des partisans pour demander leur libération; qu'une manifestation pacifique de proches des prisonniers organisée à Luanda le 8 août 2015 s'est heurtée à des attaques et des répressions violentes par les forces de sécurité sur le terrain;

J.  considérant qu'en juillet 2015, quatre défenseurs des droits de l'homme et un correspondant de Radio Deutsche Welle ont été placés en détention provisoire lors d'une visite à d'autres militants dans une prison de la province de Luanda car ils étaient accusés de vouloir faire de la politique en prison;

K.  considérant que le droit de manifestation pacifique, tout comme le droit d'association et d'expression, est reconnu dans la constitution angolaise;

L.  considérant qu'un massacre perpétré par les forces de police contre des adeptes de la secte religieuse Luz do Mundo a été signalé à Huambo en avril 2015; que les chiffres transmis par différentes sources vont de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de morts et que de nombreuses personnes ont été déplacées; que, depuis plusieurs mois, le gouvernement n'a pas tenu compte de l'urgence de procéder à une enquête indépendante, s'obstinant à nier les chiffres élevés; que le médiateur prépare actuellement un rapport sur les événements;

M.  considérant que le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a demandé une enquête internationale sur cet incident, ce qui a contraint le gouvernement à ouvrir une enquête judiciaire;

N.  considérant que le gouvernement de l'Angola a également multiplié les expulsions forcées massives et à petite échelle à Luanda et dans d'autres villes afin d'éloigner les citoyens vivant dans des implantations informelles et les vendeurs ambulants, y compris les femmes enceintes et les femmes qui ont des enfants;

O.  considérant qu'une nouvelle législation a été adoptée en mars 2015 en vue de contrôler davantage les organisations non gouvernementales;

P.  considérant que la société civile a dénoncé à plusieurs reprises le lien existant entre la corruption, l'appauvrissement et l'appropriation indue de ressources naturelles par l'élite au pouvoir et les violations des droits de l'homme commises à l'encontre de personnes qui menacent et dénoncent le statu quo;

Q.  considérant que, malgré les engagements pris par le gouvernement angolais pour intensifier ses efforts en vue de renforcer son système de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), et bien que quelques progrès aient été réalisés, le groupe d'action financière, organisme intergouvernemental créé en 1989 à l'initiative du G7 afin d'élaborer des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux, continue de déceler des lacunes stratégiques dans le système LBC/FT de l'Angola;

R.  considérant que, d'après des rapports indépendants, les revenus pétroliers, qui constituent la principale ressource du gouvernement, n'ont pas été affectés au développement durable ou aux communautés locales, alors que l'élite au pouvoir s'est enrichie;

S.  considérant que l'Angola possède de vastes réserves pétrolières et minérales et que son économie affiche l'une des plus fortes progressions de la planète, en particulier depuis la fin de la guerre civile; considérant que sa croissance économique est très inégale, la majeure partie des richesses de la nation étant réparties de manière disproportionnée et concentrées sur un petit segment de la population;

T.  considérant que la crise économique qui s'est abattue sur le pays à la suite de la forte diminution des revenus pétroliers est susceptible de déclencher de nouveaux troubles sociaux et des protestations contre le gouvernement;

U.  considérant qu'en octobre 2014, l'Angola a réaffirmé son attachement au dialogue politique et à la coopération convenus dans l'action conjointe pour le futur UE-Angola, dont la bonne gouvernance, la démocratie et les droits de l'homme constituent des piliers essentiels;

V.  considérant que, conformément à l'article 8 de l'accord de Cotonou, l'échange d'informations sur la bonne gouvernance et les droits de l'homme a lieu dans le cadre d'un dialogue politique formel au moins une fois par an, dans le contexte de l'action conjointe pour le futur UE-Angola de 2012;

1.  se dit profondément préoccupé par la détérioration rapide de la situation en matière de droits de l'homme, de libertés fondamentales et d'espace démocratique en Angola, ainsi que par les graves abus commis par les forces de sécurité et par l'absence d'indépendance du système judiciaire;

2.  invite les autorités angolaises à libérer immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits de l'homme, y compris Marcos Mavungo et les 15 + 1 militants arrêtés en juin 2015, et à abandonner toutes les charges retenues contre eux; demande également la libération immédiate et sans condition de tous les autres militants, prisonniers d'opinion ou opposants politiques arrêtés arbitrairement et détenus uniquement pour leurs opinions politiques, leur travail journalistique ou leur participation à des activités pacifiques;

3.  prie instamment les autorités de veiller à ce qu'aucun acte de torture ni aucun mauvais traitement ne soit commis sur les prisonniers et de leur garantir une protection complète ainsi que la possibilité de voir leurs familles et leurs avocats;

4.  invite les autorités angolaises à mettre immédiatement un terme aux arrestations arbitraires, aux détentions illégales et aux actes de torture commis par les forces de police et de sécurité; rappelle que des enquêtes rapides, impartiales et approfondies doivent être menées sur toutes les allégations de violations des droits de l'homme, y compris d'actes de torture, par les forces de police et de sécurité, et que les responsables doivent être traduits en justice;

5.  est vivement préoccupé par les tentatives incessantes visant à restreindre la liberté d'expression, la liberté des médias et la liberté de réunion pacifique et d'association, ainsi que par les violations de plus en plus nombreuses de ces libertés par les autorités, et invite les autorités angolaises à défendre ces libertés de façon immédiate et inconditionnelle; engage également les autorités angolaises à appliquer pleinement les dispositions de la déclaration des droits de l'homme des Nations unies, de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples et d'autres instruments internationaux et régionaux dans le domaine des droits de l'homme ratifiés par l'Angola;

6.  demande à la délégation de l'Union européenne à Luanda d'honorer les engagements du SEAE à soutenir et à protéger les défenseurs des droits de l'homme dans le monde par des mesures concrètes et visibles, notamment l'observation lors de procès, le soutien politique et matériel aux défenseurs des droits de l'homme, à leurs avocats et à leurs familles et l'engagement systématique de l'Union et de ses États membres avec les autorités angolaises en matière de droits de l'homme à tous les niveaux de relation, y compris au plus haut niveau; demande également à la délégation de renforcer le dialogue politique avec le gouvernement angolais dans toutes les relations politiques, commerciales et de développement afin de s'assurer qu'il respecte ses engagements en matière de droits de l'homme au niveau national et international, comme promis lors de la 1e réunion ministérielle UE-Angola d'octobre 2014; la prie instamment d'user pour ce faire de tous les outils et instruments appropriés, notamment l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme;

7.  demande à l'Union européenne et aux États membres de reconnaître le degré élevé de corruption par les autorités angolaises, qui porte gravement atteinte au respect des droits de l'homme et au développement, d'appliquer les principes de la boîte à outils en matière de droits de l'homme avant toute négociation avec l'Angola et de revoir les secteurs prioritaires de son programme indicatif national dans le cadre du 11e FED;

8.  déplore le fait qu'en dépit de la réalisation d'une étude nationale en 2007 et d'un programme majeur de lutte contre les mines, l'ampleur de la menace due aux MAT/REG ne soit toujours pas connue avec précision; presse l'Union européenne de surveiller, de contrôler et d'évaluer l'utilisation effective des fonds et de veiller à ce que le budget affecté soit utilisé d'une manière efficace et ciblée pour que les terrains soient déminés comme il se doit;

9.  demande instamment aux autorités judiciaires angolaises d'affirmer leur indépendance à l'égard de toute instrumentalisation politique et d'assurer la protection des droits reconnus par les instruments juridiques, comme l'accès à la justice ou le droit à un procès équitable;
10.  prie instamment le gouvernement angolais de mener de toute urgence une enquête transparente et crédible sur le massacre de Huambo et d'apporter un soutien aux survivants qui ont été déplacés; fait écho aux appels des Nations unies en vue d'une enquête complémentaire internationale et indépendante;

11.  demeure préoccupé par l'absence de mesures prises pour mettre fin aux violences envers les femmes et les enfants; invite les autorités à renforcer la lutte contre les pratiques traditionnelles préjudiciables, comme la stigmatisation des enfants accusés de sorcellerie;

12.  rappelle les engagements pris par l'Angola en vertu de l'accord de Cotonou de respecter les principes de démocratie, d'état de droit et de respect des droits de l'homme, parmi lesquels la liberté d'expression, la liberté des médias, la bonne gestion des affaires publiques et la transparence des mandats politiques; demande instamment au gouvernement angolais de respecter ces dispositions conformément aux articles 11b, 96 et 97 de l'accord de Cotonou et, dans le cas contraire, demande à la Commission d'engager la procédure prévue aux articles 8, 9 et 96 de l'accord de Cotonou;

13.  prie instamment l'Union européenne et les États membres de remédier au problème de transparence du commerce de toutes les ressources naturelles, y compris le pétrole, et notamment de mettre pleinement en œuvre et de contrôler la législation existante sur la présentation de rapports par pays; demande aux autorités angolaises et aux entreprises étrangères de contribuer au renforcement de la gouvernance dans le secteur des industries d'extraction en respectant l'initiative en faveur de la transparence dans les industries extractives, et de revoir la mise en œuvre du processus de Kimberley; invite en outre le gouvernement angolais à présenter un plan visant à adhérer au partenariat pour un gouvernement ouvert et à définir un plan concret pour lutter contre la corruption, améliorer la transparence et renforcer la responsabilité du secteur public;

14.  encourage une coopération et une coordination entre l'Union et les États-Unis sur la mise en œuvre de la section 1504 de la loi Dodd-Frank;

15.  invite les administrations nationales et les autorités de surveillance des États membres à mieux surveiller le respect de la législation européenne en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, y compris des principes normatifs de diligence et de l'analyse appropriée des risques, en particulier en ce qui concerne les personnes politiquement exposées originaires de l'Angola;

16.  se félicite que le gouvernement angolais ait reconnu les problèmes liés à l'indemnisation en cas de confiscation de terres et se réjouit que, selon les informations transmises par les médias, les mécanismes de répartition et de compensation s'améliorent; encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts dans ce sens;


17.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à l'Union africaine, à la Commission africaine des droits de l'homme, aux gouvernements des pays de la CDAA, au président et au parlement de l'Angola, au gouvernement américain, au secrétaire général des Nations unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies et à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE.

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